1. LES ACCÉLÉRATEURS,
QU’EST-CE QUE C’EST ?  |
Tout le monde connaît l’accélérateur
dans une voiture, c’est en fait la pédale qui agit sur
l’arrivée du mélange air-essence vers le moteur
pour augmenter sa puissance. La force qui agit sur la voiture s’accroît
et, l’accélération étant plus forte, la
vitesse de la voiture augmente. En mécanique on écrit
que cette accélération est G = F/m, F étant la
force et m la masse (elle-même proportionnelle au poids, grandeur
plus familière). On écrit aussi, V étant la vitesse
et t le temps d’application de la force, V = G t.
En fait, l’Homme n’a pas attendu l’arrivée
des Scientifiques pour comprendre l’intérêt de
la vitesse acquise par un morceau de matière. Agissant contre
la Nature hostile qui l’entourait, il s’en est servi pour
casser des rochers ou tuer des animaux en lançant des cailloux,
c’était lui alors qui était le premier accélérateur.
Nous allons voir que nous utilisons nos accélérateurs
modernes aussi pour donner de la vitesse à des projectiles
pour casser des cibles
Avant de décrire nos accélérateurs nous allons
préciser ce point.
|
2. CONSTITUTION DE LA MATIERE 
L’Homme a-t-il le pouvoir de modifier la Nature ? Quelles
sont les énergies mises en jeu ?
2.1. Chimie
2.1.1. La chimie minérale
Dès la fin du 18ème siècle, c’est avec
Lavoisier qu’on a constaté que la matière est
constituée de molécules spécifiques correspondant
à des propriétés caractéristiques. Des
molécules différentes réagissant ensemble créent
d’autres molécules (ex : l’hydrogène réagissant
avec l’oxygène donne de l’eau). Ceci a montré
qu’elles sont constituées d’atomes considérés
longtemps comme insécables. Selon l’assemblage de ces
atomes, on obtient différentes molécules. L’atome
comprend un noyau positif autour duquel tournent des électrons
négatifs.
2.1.2. La chimie organique
Il existe des atomes de carbone et des atomes d’oxygène
et d’hydrogène dans la plupart des molécules
qui constituent les organismes vivants. Mais, contrairement aux
croyances du 18ème siècle, on peut obtenir ces molécules
organiques par des réactions en laboratoire sans faire appel
à des actions surnaturelles. La synthèse de l’urée
en 1828 par Wollier a réduit à néant beaucoup
d’idées mystiques.
NB - Les énergies mises en jeu dans ces réactions
sont de l’ordre de l’électron-Volt (voir plus
loin le sens de cette expression).
2.2. Physique nucléaire
Cependant l’atome semblait un édifice que l’homme ne pouvait
casser. Mais au milieu du 19e siècle grâce à Becquerel, l’Homme a découvert
la radioactivité. Des atomes se cassent tout seuls et expulsent des
atomes d’ion ionisés (appelés particules alpha) dont l'énergie
est de l’ordre du million d'électron-Volt.
Beaucoup plus tard, en 1919, la première réaction nucléaire a
été réalisée par Rutherford ; il envoyait des particules alpha issues
d’un corps radioactif sur de l’azote et il constata
qu’un proton et un atome d’oxygène étaient émis.
Cette expérimentation se faisait sans accélérateur car personne
n’y avait pensé. C’est en 1924 que Van de Graaff, en
assistant à une conférence de Marie Curie à Paris, a eu l';idée
d’utiliser des particules chargées rapides créées par un accélérateur.
Or il êtudiait lui-même déjà la possibilité de réaliser un accélérateur
à tension êlevêe.
L’utilisation d’un corps radioactif ne
permettait pas le réglage de l’intensité, ni celui de l’énergie
des particules envoyées sur les différentes cibles ; tandis qu’a vec des accélérateurs, les physiciens
disposaient de particules de caractéristiques d'terminées ; il devenait
alors possible de faire des mesures sur des réactions nucléaires
caractérisées par le projectile et par la cible. Les premiers
succés
ont été obtenus avec le Cockroft-Walton (un générateur à redresseurs)
en 1932 et le Van de Graaff en 1934. Des protons de 700 KeV ont
été envoyés sur une cible en Lithium : 2 particules alpha ont été
obtenues.
Alors que les essais de Rutherford supposaient la nécessité de
corps radioactifs déjà existants, ce qui montrait que l’Homme
n’avait pas encore le pouvoir de modifier artificiellement
les atomes, Cockroft et Walton ont donc montré qu’il avait
aussi ce pouvoir grâce aux accélérateurs . Nous constatons qu’avec
ces instruments la même méthode que l'Homme préhistorique,
qui cassait des rochers avec des projectiles, a été réutiliée.
|
3. UTILISATION MODERNE DES ACCELETEURS 
N.B. Nous ne traiterons ici que les accélérateurs à
particules positives.
3.1. LES REACTIONS NUcléaireS A
BASSE ENERGIE
Les accélérateurs sont donc des appareils qui permettent
de communiquer une certaine vitesse à des atomes, en généralisant
on dit des particules. Les vitesses recherchées dépendent
de l’utilisation et elles sont très variables. L’accélération
s’obtient par l’action d’une force appliquée
sur les particules choisies. Les forces disponibles sont celles qui
résultent de l’action d’un champ électrique.
Les atomes ou les molécules ne peuvent donc être soumis
à une force que s’ils sont ionisés. Généralement
il suffit de leur arracher au moins une charge négative (voir
plus loin). Remarquons qu’on ne peut pas appliquer une force
à des neutrons qui ne sont pas chargés. Des neutrons
rapides ne peuvent être obtenus qu’indirectement en faisant
une réaction nucléaire.
N.B. une particule une fois ionisée a une charge égale
à celle de l’électron ; si elle est accélérée
par une différence de potentiel de 1 volt, son énergie
est de 1 électron-volt.
Les énergies obtenues avec les premiers accélérateurs
sont données en millier d’électron-volts (keV)
mais on atteint le million (MeV), puis le milliard d’électron-volts
(GeV).
Le ”Cockroft” donnait des particules de 700 keV et le
Van de Graaff de l’ordre de 3 Mev. Les Van de Graaff ont été
améliorés et ont donné des particules de 5 MeV
Avec les cyclotrons ce sont des tensions d’accélération de 20 MV qui ont été obtenues. On pouvait accélérer
des protons ou des deutons. Des deutons de 20 MeV envoyés sur
une cible de Béryllium donnaient des neutrons utilisables pour
découvrir leurs propriétés utiles à l’électronucléaire.
Des expériences analogues ont été utiles jusque
dans les années 50.
3.2. LES REACTIONS NUcléaireS A
HAUTE ENERGIE
L’étude du rayonnement venant du ciel dit rayonnement
cosmique a commencé durant les années trente. On y a
détecté des particules ionisantes dont la masse était
200 fois celle de l’électron. Un vaste domaine d’étude
apparaissait mais dans des domaines d’énergies beaucoup
plus élevées que celles des accélérateurs
ci-dessus qui n’avaient qu’un seul espace d’accélération
et où les particules se déplaçaient sur une ligne
droite.
On construit actuellement au CERN. le LHC (large hadron collider)
qui pourra produire la collision de 2 particules à des énergies
de l’ordre de 5 TeV pour l’étude des interactions
fortes. A ces énergies, avec des noyaux de plomb, on créera
des réactions semblables à celles qui ont dû se
produire pendant le Big Bang à la naissance de notre Univers.
Avec des protons on devrait pouvoir mettre en évidence la particule
X qui serait à l’origine de la masse des corps.
|
4. CONSTITUTION D’UN ACCÉLÉRATEUR
A IONS POSITIFS. 
Nous allons expliquer ce qu’est un accélérateur
en nous limitant à des explications qualitatives. Les lecteurs
intéressés pourront trouver à la permanence de
l’ARCEA des documents plus théoriques (par exemple :
”Le petit Bruck” de 1966), nous contacter préalablement.
Comme déjà mentionné ci-dessus, quand les physiciens
au 19ème siècle ont découvert que certaines substances
dites radioactives émettaient des particules chargées,
ils ont étudié ces particules. Ils ont constaté
que certaines étaient en fait des atomes déjà
connus, mais qu’elles étaient chargées positivement.
Par l’action d’un champ magnétique, ils ont pu
mesurer leur vitesse et donc leur énergie cinétique.
|
|
Avec Van de Graaff, les physiciens ont imaginé de créer artificiellement
ces particules, par l'ionisation de l'atome dans une source d'ions
et son accélération sous vide entre 2 électrodes l'une étant à la
masse, l'autre à la haute tension. Voici le schéma de ce système :
Sur la photo ci-dessus, on voit une réalisation moderne du
plus simple des accélérateurs à un seul étage.
Cet ensemble doit être enfermé dans une cloche contenant
du gaz isolant pour tenir une tension de l’ordre du mégavolt.
La photo ci-dessus représente le préinjecteur du linac
20 MeV appelé "Amalthée"
On voit les isolants formés par des portions de cylindre en
polycarbonate qui tiennent bien les champs électriques de près
de 100 kV/cm à condition d’être maintenus dans
une atmosphère très sèche d’azote et gaz
carbonique à 20%. La prise d’humidité sur quelques
heures est réversible.
Parallèlement à l’isolant à l’intérieur
de la partie basse de la colonne, on a placé un tube isolant
dans lequel les particules sont accélérées sous
vide depuis l’électrode haute tension jusqu’à
la masse. Le tube isolant qui enferme le faisceau comporte des électrodes
de répartition de tension. Les circuits électroniques
qui alimentent la source et les électrodes d’extraction
du faisceau sont dans l’électrode Haute Tension.
C’est aussi le cas de la machine de Van de Graaff qui a l’avantage de donner des tensions plus élevées. |
5. AUGMENTATION DE L'ENERGIE
DES ACCELERATEURS
5.1. LE CYCLOTRON (voir aussi : La médecine nucléaire)
Dans un cyclotron on utilise les 2 phénomènes suivants :
Une particule ionisée qui se déplace dans un champ
magnétique est soumise à une force, comme les bobinages
d’un moteur électrique pour le faire tourner. Cette
force courbe les trajectoires de chaque particule afin qu’elle
repasse plusieurs fois dans l’intervalle d’accélération.
Aux bornes d’un condensateur plan qui forme un intervalle
d’accélération placé en parallèle
sur un bobinage apparaît une tension alternative. Si la particule
a un mouvement synchronisé à la même fréquence
que le circuit ci-dessus, et si elle passe dans l’intervalle
d’accélération au moment où la tension
est positive elle la repoussera vers la tension négative
qui l’attirera. Elle subira ainsi n fois la tension initiale,
si elle fait n passages. On peut montrer qu’il y a une certaine
tolérance dans la synchronisation. |
5.2. LE CYCLOTRON DE LAWRENCE
- (BROOKHAVEN NNATIONAL LABORATORY - B.N.L.) 1934
Comme expliqué ci-dessus, on utilise plusieurs fois le champ
électrique accélérateur en courbant les trajectoires
de particules grâce à un champ magnétique.
Précisons qu'il est constant dans un cyclotron. Il est créé
par un gros électroaimant massif. Les particules partent
du centre et elles sont accélérées jusqu'à
la périphérie où elles sont extraites par un
modelage du champ magnétique et par la répartition
d'un champ électrique. Mais leur énergie est limitée
par la dimension de l’aimant. Or la course à l’énergie
se poursuivit après la découverte des rayons cosmiques.
Pour étudier des phénomènes similaires à
ceux produits par les rayons cosmiques on démarra des études
pour construire sur la côte Est des U.S.A. le Cosmotron (3
GeV), et, sur la côte ouest, le Bevatron (6 GeV). Et à
Doubna, en URSS, à partir de 1956, le Synchrophasotron (10
GeV)
La création du centre de recherche de Genève (Le CERN)
et l’étude du PS (le Proton Synchrotron) furent décidés
en 1956. Mais l’énergie prévue était
encore plus élevée : 28 GeV. |
5.3.
LE COSMOTRON (LE PREMIER SYNCHROTRON - 1952) (1)
Dans un synchrotron, voir photo ci-contre, on augmente le champ
magnétique pour que la trajectoire soit toujours dans une
chambre à vide qui se présente comme un tore inséré
dans l’entrefer de l’aimant. 
La fréquence du champ électrique accélérateur
doit croître aussi, puisque les vitesses des particules augmentent
et que donc la fréquence de leur passage en un point donné
de la trajectoire augmente. Mais il faut forcément une synchronisation
(d’où le nom de synchrotron) entre la tension électrique
du gap accélérateur et le courant électrique
qui passe dans l’électroaimant.
Il y a au moins une particule qui décrit ”sagement”
la trajectoire centrale d’un mouvement uniforme ; les autres
particules oscillent autour de cette particule idéale ; l’oscillation
le long de la trajectoire est appelée oscillation synchrotron.
Les particules qui ne sont pas rigoureusement sur le bon cercle
y sont ramenées par le champ magnétique des quadripôles;
on dit qu’on les focalise et on appelle cette oscillation
radiale perpendiculaire à la trajectoire une oscillation
Bêtatron. On crée ainsi un faisceau de particules qui
circule dans la chambre sous vide. Après environ 3 secondes,
le faisceau a atteint l’énergie demandée par
les physiciens ; on l’éjecte alors de la machine et
on le remet aux physiciens.
L’injecteur comporte une source d’ions qui sont pré-accélérés
avant d’être injectés dans le Synchrotron. Pour
que les ions évoluent sur la même trajectoire, le champ
magnétique de courbure augmente, de même que la fréquence
de la cavité accélératrice.
(1) Le Bévatron de Berkeley était
alors en construction |
6. SATURNE 
En 1954, le C.E.A. avec le Van de Graaf avait déjà commencé
des études sur les réactions nucléaires surtout
dans le cadre de la bombe atomique et pour la production d’énergie.
Mais les responsables ont décidé d’étendre
les recherches aux mêmes domaines que les USA, à Brookhaven
en particulier. La décision fut prise de construire Saturne
avec un groupe d’ingénieurs (les Ingénieurs de
Saturne). De plus, pour l’expérimentation sur Saturne
et par la suite pour les études à plus hautes énergies
sur le P.S. du C.E.R.N, il fallait donner une formation suffisante
aux physiciens. On créa alors un groupe de physiciens qui seront
attachés aux expériences de Saturne : les Physiciens
de Saturne.
Saturne a démarré en 1958.
Par la suite, ce synchrotron a subi des modifications importantes
d’abord en conservant son aimant de guidage représenté
sur la figure ci-dessus avec, dans l’entrefer, la chambre à
vide dans laquelle le faisceau circule, ainsi qu'un des postes de
pompage qui maintiennent le vide dans cette chambre.(voir photo page
précédente)
Par la suite en 1974, l’anneau de Saturne fut complètement
modifié. et composé d’aimants de rayons de courbure
beaucoup plus courts et d’aimants de focalisation dits quadripôles.
Cette modification profonde a permis d’obtenir des faisceaux
extraits sinon plus intenses mais surtout de meilleure qualité
optique (photo ci-contre).
La publication « URANIE » N° 18 de Décembre
2001, disponible à l’A.R.C.E.A Saclay, donne des détails
sur SATURNE et ses modifications. |
7. AUTRES ACCELERATEURS

7.1. LES ACCÉLÉRATEURS
AUXILIAIRES
Les accélérateurs circulaires décrits ci-dessus
ont donc des champs magnétiques de guidage croissants avec
l’énergie des particules qu’ils accélèrent.
Mais à basse énergie, donc au début du cycle,
quand le champ magnétique commence à croître,
il existe un champ rémanent qui résulte de l’aimantation
créée au cycle précédent.
Il s’ajoute au champ créé par le courant d’aimantation
; mais alors que ce dernier est correctement distribué radialement
selon la forme des pièces polaires ; le champ rémanent
a une répartition qui dépend de la saturation des pièces
polaires du cycle précédent.
Dans ces conditions, le guidage des particules injectées est
aléatoire. pendant le cycle de montée du champ. Il faut
donc attendre que le champ rémanent soit suffisamment petit
par rapport aux champs crées par les courants. Mais alors,
pour que les particules injectées puissent entrer dans la chambre,
il faut qu’elles aient déjà une énergie
suffisante; on adjoint au montage un accélérateur injecteur.
De plus, si l’intensité recherchée est élevée,
les particules se repoussent entre elles du fait de leur ionisation;
on dit qu’elles divergent par charge d’espace.
L’action de cette charge d’espace diminue quand la vitesse
des particules augmente. Les accélérateurs injecteurs
seront choisis aussi selon cette contrainte.
|
7.2.
LES ACCÉLÉRATEURS INJECTEURS LINEAIRES
Les particules sortent de la source d’ions grâce à
une électrode d’extraction Leur énergie est déjà
voisine du Kilo-électron-volt (KeV). Grâce à un
montage où le tube accélérateur est sous pression,
tel que celui de la figure "amalthée", l’énergie
peut approcher le MeV et, avec les Van de Graaf, atteindre plusieurs
mégavolts. Pour des accélérateurs à grande
intensité, il faut atteindre des énergies d’injection
d'une dizaine de MeV.
On utilise alors un linac (accélérateur linéaire).
Dans ces accélérateurs au lieu de faire tourner le faisceau
pour l'accélérer plusieurs fois, on peut le laisser
en ligne droite et y placer des intervalles d’accélération
comportant des champs accélérateurs (voir photo ci-contre)
à la même fréquence mais avec des intervalles
croissants selon l’augmentation de vitesse des particules pour
qu’elles y arrivent quand la tension alternative est effectivement
accélératrice. On réalise ainsi des accélérateurs
linéaires qui pourraient fournir un faisceau semi continu à
la sortie. L’intensité est évidemment modulée
à la fréquence de la tension accélératrice
du linac. Mais dans le synchrotron cette modulation disparaît.
|
7.3. LES INJECTEURS CIRCULAIRES
Dans certains cas, la limitation de l’intensité ne provient
pas du système accélérateur mais de la source
elle-même: par exemple quand il s’agit d’accélérer
des particules polarisées ou des ions lourds. Ceci a été
le cas pour l’accélérateur SATURNE du C.E.A. SACLAY.
c’est ainsi que pendant les dix dernières années
de la vie de cet accélérateur, l’injection se
faisait par un petit synchrotron permettant une injection longue avec
stockage (cas de la source de particules polarisées) ou à pulsation rapide (cas de la source d’ions lourds).
Pour plus d’information consulter ;”The 20 years of the
synchrotron SATURNE 2”. de Word Scientific sur demande à
la Permanence de l’ARCEA SACLAY
|
|
|